LA FRANCE COUPABLE ? ALLONS DONC !
Pour le bien comprendre, il faut voir ce que, cent ans après la pacification, est devenue notre Algérie. Il faut parcourir ces cultures admirables qui, sur des millions et des millions d'hectares, où moururent à la peine tant de colons et soldats, couvrent maintenant des espaces auparavant misérables. Il faut voir les ports, les routes, les barrages, les écoles, les hôpitaux que nous y avons construits. Il faut voir qu'à notre arrivée un million d'hommes vivaient à grand'peine sur le territoire algérien, qui en nourrit aujourd'hui dix millions.
Il faut, dans la régence tunisienne, visiter les grands travaux que nous y avons réalisés, comme par exemple, les oliveraies splendi-des qui furent plantées sous notre impulsion.
Il faut se rappeler que le Maroc, dont nul homme de bonne foi ne parcourt aujourd'hui les villes, les champs et les montagnes sans admiration stupéfaite, était, il y a quarante ans, un pays déchiré par le désordre et l'anarchie, où constamment tel prétendant, venu du Sud ou du Nord, soulevait contre le Sultan la révolte des tribus.
Il faut songer que l'Indochine (...) Madagascar (...) Il faut comparer enfin le sort actuel de notre Afrique Noire, où la civilisation pénètre les forêts, les savanes, les déserts, enjambe les fleuves farouches, brave les climats épuisants, avec le destin antérieur de ces terres, depuis toujours assoupie sous leur misère désespérée.
La France tyrannique? La France routinière? La France coupable? Allons donc! En vérité, quand les événements terribles de la guerre récente vinrent nous pousser au bord de l'abîme, la France généreuse, tutélaire, était en
train de faire avancer à grands pas vers la lumière plus de 60 millions d'hommes.(...)
(...) Pour nous, dans le monde tel qu'il est et tel qu'il vit, perdre l'Union Française ce serait un abaissement qui pourrait nous coûter jusqu'à notre indépendance.
La garder et la faire vivre, c'est rester grands et, par conséquent, rester libres.
Voilà bien l'une des tâches de salut national pour lesquelles le peuple français doit maintenant, se rassembler! »
NB : Pour répondre à ce discours Léon Blum écrivit « Nous continuerons à penser et à affirmer que dans le passé la politique coloniale de la France, bien que noble et généreuse à beaucoup d'égards a subi la tare d'une conception aujourd'hui périmée et condamnée ».
Cela revenait en fait à reprocher à Christophe Colomb d'être parti à l'aventure sur une caravelle au lieu d'emprunter le navire à grande vitesse...
John FRANKLIN |